DÉPENDANCE ET VIOLENCE

Au Centre Amethyst pour femmes toxicomanes, il est important pour nous de faire le lien entre les expériences de violence vécues par les femmes et les toxicomanies. Malheureusement, nous savons que la violence est une triste réalité de la vie de nombreuses femmes dans la société. En effet, une étude nationale menée par Statistique Canada sur la violence envers les femmes révèle que 51% femmes ont été victimes d’un acte d’agression physique ou sexuelle au moins une fois depuis l’âge de 16 ans. [1 ] La violence peut survenir à n’importe quel moment au cours de la vie des femmes, depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, dans de nombreux contextes différents et diverses relations, qu’elle soit perpétrée par un parent, un partenaire, une connaissance ou un étranger. De plus, La violence se manifeste sous diverses formes telles que la violence psychologique ou émotionnelle, la violence physique et l’abus sexuel.

Or, les femmes victimes de violence n’adoptent pas nécessairement toutes des moyens d’adaptation qui mènent au développement de problèmes de dépendance. Cependant, les antécédents de violence et les traumatismes augmentent considérablement la possibilité d’une éventuelle incidence. Les recherches effectuées par la Coalescing on Women and Substance Use, un groupe de travail basé en Colombie-Britannique, suggèrent que 90% des femmes qui ont recours à des services de toxicomanie ont été victimes de violence au cours de l’enfance ou à l’âge adulte. [2 ] La violence a des répercussions chez les femmes à maints égards, dont certaines plus évidentes, tandis que d’autres sont plus subtiles. Par exemple, certaines femmes peuvent éprouver des réactions émotives et cognitives qui sont généralement associées au stress post-traumatique, telles que les souvenirs d’intrusion, les « flashbacks », les crises d’angoisse, l’insensibilité ou la sensation de vide émotif. D’autres symptômes peuvent être associés davantage à la façon dont l’événement traumatisant influence la perspective sur soi-même et notre vision du monde. Par exemple, certaines femmes sont tellement habitées par des souvenirs pénibles qu’elles ont tendance à être constamment à l’affût du danger. De plus, dépourvue de la confiance et de l’estime de soi, elles sont envahies par le sentiment de dévalorisation et l’incertitude d’être dignes d’amour. Les femmes ont souvent l’impression qu’elles doivent tout simplement tourner la page, que les femmes « respectables » ne se fâchent jamais, et que pleurer ou demander de l’aide est un signe de faiblesse. Prêter à confusion, les femmes ressentent la crainte d’être inappropriées. Elles sont donc hésitantes à manifester leurs émotions et leurs réactions, et minimisent les répercussions de la violence.

Les femmes peuvent également être aux prises avec des sources de stress additionnelles, notamment la pauvreté, la monoparentalité, la responsabilité d’autres membres de la famille, la gestion de troubles de santé mentale, etc. Les oppressions et les discriminations, comme le racisme, le sexisme, l’hétérosexisme, la transphobie, le capacitisme et le classisme sont d’autres formes de traumatisme qui ajoutent à la complexité de la vie des femmes. Les femmes ayant plusieurs statuts minoritaires sont plus susceptibles de faire l’objet de violence au cours de leur vie en raison de leur condition inégale dans notre société.

Au début, les drogues, l’alcool et le jeu de hasard (parmi d’autres choses qui comporte des risques de dépendance), peuvent apporter une solution à plusieurs problèmes auxquels les femmes victimes de violence sont confrontées. Cette stratégie d’adaptation peut les aider à faire face à bon nombre de situations alors que normalement elles ne seraient pas en mesure de le faire. Effectivement, l’usage de substances peut permettre aux femmes de fonctionner dans des situations où elles ressentiraient normalement de l’anxiété. Elle peut augmenter le sentiment de confiance en soi, aider certaines femmes à rompre le sentiment d’isolement et communiquer avec leurs pairs. Elle peut apporter un certain soulagement à la douleur physique et fournir un répit temporaire aux émotions intenses. D’une manière fondamentale, la dépendance n’est pas un signe de faiblesse personnelle, mais bien une question de survie.

Cependant, bien que ces moyens d’adaptations procurent une certaine solution temporaire, ils deviennent éventuellement à l’origine d’autres problèmes. Les femmes peuvent en venir à compter sur les substances illicites pour les aider à faire face d’autres problèmes de leur vie, et éventuellement, en avoir de besoin quotidiennement. La dépendance est souvent associée à des problèmes de santé physique, des problèmes financiers, des problèmes de relations interpersonnelles, la stigmatisation sociale, et plus encore. Les femmes aux prises avec des problèmes de dépendance peuvent également devenir plus vulnérables à la victimisation. Cette situation entraîne un cercle vicieux dont le stress, la culpabilité, la honte, le regret, et la nouvelle victimisation ne font qu’ajouter au lourd bagage émotionnel, qui amènera certaines femmes à dépendre davantage à la drogue, l’alcool et le jeu.

La philosophie du Centre Amethyst pour femmes toxicomanes préconise que la dépendance ne peut être considérée indépendamment du contexte environnemental des femmes. Les expériences de traumatisme ainsi que la manière d’y faire face font partie intégrante du rétablissement. Chez Amethyst, nous offrons un soutien aux femmes victimes de violence et nous encourageons au développement d’attitudes favorables à la gestion du stress, ainsi qu’à des modes de vie plus sain.

1. Statistique Canada (1993). Enquête sur la violence envers les femmes (EVEF). (Malheureusement, aucune nouvelle étude n’a été effectuée depuis).

2. www.coalescing-vc.org