Trouver sa voix
Une femme qui, grâce au Centre Amethyst pour femmes toxicomanes, vainc sa dépendance à la cocaïne et tourne la page sur son passé marqué par des agressions sexuelles fonde son propre organisme caritatif sans but lucratif visant à aider les adultes à dépister et à prévenir la violence sexuelle à l’endroit des enfants et l’exploitation sexuelle commerciale.
« Nous parlions, tout simplement. Nous pleurions. Nous partagions notre histoire. »
« Dès qu’on franchit la porte, c’est comme si on recevait un câlin chaleureux et réconfortant. On se sent en sécurité ici. »
De l’extérieur, la vie de Cynthia Bland semblait parfaite. Occupant un poste de direction dans une entreprise de haute technologie à Ottawa, elle avait un époux fantastique et quatre beaux enfants – deux garçons et des jumelles. Mais après 15 ans de sobriété à la suite d’une dépendance à la cocaïne, Mme Bland a ressenti l’envie de consommer de nouveau. Elle devait composer avec un employeur difficile, son père avec qui elle espérait renouer est décédé soudainement et il y avait une certaine tension dans son couple.
« Alors qu’auparavant j’offrais un excellent rendement au travail, je me voyais glisser sur une pente dangereuse et j’étais carrément malheureuse. Je ne ressentais rien, j’avais l’impression que les choses échappaient à mon contrôle. Je me sentais complètement dépassée », dit-elle.
Mme Bland se souvient d’avoir ressenti beaucoup de pression et d’avoir été désorientée face au tournant que prenait sa vie. Elle se sentait terriblement mal et avait des idées suicidaires.
« Je croyais vraiment que c’était la fin, je voulais me défoncer, puis je souhaitais mettre fin à mes jours parce que la situation devenait intenable », explique-t-elle.
C’est alors que Mme Bland réalise qu’elle a besoin d’aide et se tourne vers le Centre Amethyst pour femmes toxicomanes. Elle était nerveuse avant d’appeler au Centre la première fois, car elle se voyait comme une toxicomane « occasionnelle » et ne savait pas si le Centre accepterait de l’aider.
« Je me disais que je ne devais pas appeler, mais j’ai décidé de le faire quand même parce que j’étais vraiment désespérée », confie-t-elle.
Même si Mme Bland était terrifiée à l’idée de se rendre au centre Amethyst, elle s’est sentie soulagée tout de suite en arrivant. « Dès qu’on franchit la porte, c’est comme si on recevait un câlin chaleureux et réconfortant. On se sent en sécurité ici », poursuit-elle.
Elle a été prise en charge par Rose McDade, conseillère en toxicomanie du Centre Amethyst, qui l’a aiguillée vers le Programme de soutien aux femmes victimes de violence sexuelle quelques mois plus tard. Ce qui s’est produit ensuite a changé sa vie.
Le cheminement de Cynthia dans le Programme de soutien aux femmes victimes de violence sexuelle
Quand une des conseillères du Centre Amethyst pour femmes toxicomanes lui a demandé si elle avait été victime d’agression sexuelle pendant son enfance, la lumière s’est faite dans l’esprit de Cynthia Bland. Son anxiété, sa dépression, ses crises de panique, les relations abusives, ses sentiments de non-appartenance et sa dépendance à la cocaïne trouvaient tout à coup leur explication.
« Pourquoi personne ne m’a posé cette question auparavant? » se demande-t-elle. Quoiqu’elle ait consulté un psychologue et un psychiatre pour son anxiété et ses crises de panique, c’était la première fois en 42 ans qu’elle révélait ses antécédents d’abus sexuel.
« Ce fut vraiment pénible. Je gardais ce terrible secret enfoui en moi depuis 42 ans. Je me suis d’abord confiée à ma mère avant d’en parler à mes enfants et à mon mari, qui n’en savait rien. Personne n’était au courant de ce qui m’était arrivé », indique-t-elle.
Il y a bien des raisons pour lesquelles Mme Bland n’avait jamais parlé des agressions sexuelles dont elle avait été victime pendant son enfance, et n’y pensait même pas. Elle explique que quand un voisin en qui elle avait confiance lui faisait subir ces agressions, alors qu’elle était âgée entre 5 et 7 ans, ses menaces et le silence qu’il lui imposait l’ont empêché de se confier à ses parents. Lorsque les agressions cessèrent – parce qu’elle avait déménagé – elle ne trouvait pas les mots pour exprimer ce qui lui était arrivé. Plus tard, elle ne réalisait pas les répercussions néfastes de ces agressions sur sa vie. « J’ai souffert, mais j’imagine que mon cerveau a trouvé une façon de les passer sous silence », avance-t-elle.
Le Programme de soutien aux femmes victimes de violence sexuelle d’Amethyst a été d’un énorme secours pour Mme Bland. Elle y a appris qu’elle n’était pas seule, que d’autres femmes avaient subi des épreuves semblables et comprenaient ce qu’elle ressentait, et qu’elle n’était pas « bizarre ». Selon elle, le fait de pouvoir partager son histoire avec d’autres s’est révélé une expérience très intense.
« Nous parlions, tout simplement. Nous pleurions. Nous partagions notre histoire. J’ai vécu une véritable catharsis lorsque j’ai réalisé que je n’étais pas la seule personne à vivre une telle situation », se souvient-elle.
Mme Bland a également appris à se recentrer, à se montrer bienveillante envers elle-même et à prendre soin d’elle. Lorsqu’elle a terminé le programme, on lui a remis une améthyste comme pierre de ressourcement. Cette pierre lui a permis de garder à l’esprit les aptitudes qu’elle a acquises chez Amethyst et l’a encouragée à s’en servir au quotidien.
« Je la portais avec moi pour m’aider à comprendre ce qui m’arrivait. Lorsque je me trouvais dans une situation à risque, j’étais consciente de ce que je ressentais et de ce que je devais faire, soit garder le contrôle et me dire “ça va aller” », explique-t-elle.
Aller de l’avant et trouver sa voix
Depuis, Mme Bland a fondé l’organisme caritatif Voice Found. Ce qui avait commencé par un blogue où elle parlait de sa propre histoire a évolué pour devenir un organisme caritatif national offrant de l’éducation, de la formation en matière de prévention et du soutien aux survivantes du trafic sexuel.
Quoique plus de dix ans se soient écoulés depuis sa première visite à Amethyst, Mme Bland a un rappel quotidien de l’expérience qu’elle y a vécue. Le logo de sa fondation comporte deux couleurs, dont une est l’améthyste. Selon elle, c’était un choix délibéré : « j’adore ce que cette couleur représente et ce qu’elle signifie pour moi. »
« Ce que je veux dire au sujet d’Amethyst, c’est qu’Amethyst m’a sauvé la vie. Et ça, j’en suis absolument certaine », conclut-elle.
Voice Found est un organisme caritatif national dirigé par des survivantes consacré à la prévention de la violence sexuelle à l’endroit des enfants et de l’exploitation sexuelle commerciale. Par l’intermédiaire du projet Hope Found, l’organisme soutient des personnes victimes de trafic sexuel. Au début de 2018, il ouvrira la première clinique de santé au Canada pour les personnes âgées de 13 ans et plus qui risquent de faire l’objet de traite de personnes, on encore qui en sont ou en ont été victimes.
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